lundi, mars 26, 2007

Les Assyriens demandent également la reconnaissance du génocide

La conférence sur le génocide des Assyriens ("Seyfo") organisée ce lundi (26/03/07) au Parlement européen par le Centre Seyfo en coopération avec le groupe parlementaire GUE-NGL (principalement des communistes et des ex-communistes) a fait salle comble en réunissant plus de 250 personnes principalement membres de la communauté assyrienne de Belgique.

Eva-Britt Svensson, vice-présidente suédoise du groupe GUE-NGL, s'est principalement attaquée aux restrictions du code pénal turc en matière de liberté d'expression. Tout en rappelant que son groupe est favorable à l'adhésion de la Turquie au sein de l'Union européenne "lorsque les obstacles seront levés en matière de respect des droits de l'homme envers les minorités", l'eurodéputée suédoise estime que "la liberté d'évoquer le génocide, la conservation des archives et la dépénalisation totale des discours reconnaissant le génocide sont des exigences minimales dans le processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Il faut que cesse la pénalisation et la persécution des personnes qui osent évoquer le terme de génocide pour qualifier les faits. Il faut aussi que ce pays reconnaisse ce fait historique avéré : le génocide des Arméniens était en réalité également le génocide des autres groupes chrétiens comme les Assyriens et les Grecs. La réconciliation est impossible sans une dépénalisation complète de la discussion sur le génocide."

Sabri Atman (Président du Centre Seyfo) a expliqué "qu'un génocide a été commis contre les Chrétiens (Arméniens, Assyriens et Grecs) par les responsables du Comité Union et Progrès qui dirigeaient l'Empire ottoman en 1915. La proclamation le 14/11/1914 de la guerre sainte contre les Chrétiens ne visait pas seulement les Arméniens. Le plus grand atout de la Turquie était sa diversité ethnique et les dirigeants de l'époque ont décidé de détruire cet atout en massacrant près de 2 millions de personnes. La Turquie a voulu homogénéiser la diversité en perpétrant un génocide contre ses populations chrétiennes. Aujourd'hui, la Turquie veut créer une identité qui se base sur un drapeau, une seule culture, une seule religion et une seule langue. Or, la source principale du problème n'est pas la diversité mais bien l'incapacité du pays à tolérer sa propre diversité. Nous nous opposons à la mentalité nationaliste qui rejette la diversité, renie son passé et fabrique des scénarios pour éviter sa responsabilité. Comme si ce n'était pas assez, cette même mentalité nous menace aujourd'hui en nous expliquant sans honte que si nous continuons de les énerver, ils recommenceront ce travail inachevé. Les 2/3 des Assyriens ont été massacrés par un immense coup d'épée, c'est la raison pour laquelle nous utilisons le terme 'Seyfo' [épée en assyrien] pour parler de ces événements. Nous n'avons aucune volonté d'encourager la haine envers la Turquie ou le peuple turc. Au lieu de vilipender les Etats qui reconnaissent le génocide, nous voulons que l'Etat turc reconnaisse sa responsabilité dans le génocide perpétré contre les Arméniens, les Assyriens et les Grecs. Nous demandons un minimum d'humanité et des excuses à ce sujet. "

L'historien suédois David Gaunt (Sodertorns University College), auteur d'un ouvrage récent sur le sujet, a brièvement évoqué "la panique des nationalistes et la campagne essentiellement anti-chrétienne en vigueur à l'époque du génocide. Par exemple, les peuples chrétiens étaient considérés comme des 'bactéries nocives' par le gouverneur de Diyarbakir et les mesures adoptées (déportation et massacres) étaient basées sur des craintes de futures trahisons. Certains hauts fonctionnaires ottomans se sont opposés à ces massacres, ils ont été eux-mêmes tués ou déportés. De plus en plus de documents attestent des faits et ne laissent planer plus aucun doute sur le fait qu'il y a bien eu un génocide contre les Arméniens et les autres populations chrétiennes comme les Assyriens". David Gaunt est également connu en Turquie pour avoir conclu un accord avec l'historien officiel Yusuf Halaçoglu en vue d'examiner des fosses communes dans la commune de Nusaybin de la ville de Mardin.

Markus Ferber (PPE-CSU, droite chrétienne) a rappelé que "la liberté d'expression est l'un des piliers de l'Union européenne" et que "l'identité européenne est construite sur la diversité européenne qui est une richesse. La protection des minorités est une condition sine qua pendant les négociations d'adhésion. Les minorités en Turquie doivent être reconnues selon les normes européennes et pas exclusivement sur base du Traité de Lausanne qui se limite à considérer comme minorité tout groupe religieux non musulman." Les deux députés européens (Ferber et Svensson) ont dénoncé publiquement les pressions de l'ambassade de Turquie (dont cette lettre de l'ambassadeur auprès de l'UE Volkan Bozkir) pour empêcher la tenue de la conférence. L'ambassadeur Bozkir se plaint de l'utilisation du drapeau turc, des locaux du Parlement européen et du "prétendu soutien du groupe GUE-NGL" pour l'organisation d'une conférence malintentionnée sur le "prétendu 'génocide assyrien'" susceptible de tromper le public.

Au nom de l'ONG "Human Rights Without Frontiers", Willy Fautré s'est focalisé sur la campagne négationniste en Belgique, ses acteurs et ses manifestations en dénonçant l'ambivalence "des grands partis politiques belges qui n'hésitent pas à placer des candidats extrémistes sur les listes" pour des raisons électoralistes. "En réalité, le débat sur l'existence ou non du génocide est totalement dépassé et ceux qui se cachent derrière l'argument d'une commission mixte d'historiens oublient trop facilement qu'une telle commission mixte existe déjà depuis longtemps. Il s'agit de la commission internationale des historiens de génocide qui a déjà démontré plus d'une fois la réalité du génocide."

Présent dans la salle, le conseiller communal d'origine assyrienne Ibrahim Erkan (CDH-Saint-Josse) m'a expliqué que "les Assyriens sont pour la paix et pour la mémoire, pas contre les autres peuples. Nous voulons la paix et la réconciliation, cette démarche n'est possible que si la Turquie entame honnêtement son devoir de mémoire. Mon grand-père m'a expliqué la manière dont il a vécu le génocide et comment il a ensuite rencontré ma grand-mère dans un célèbre monastère. Le génocide est inscrit dans la mémoire de la communauté assyrienne. 1915 est connu pour être l'année du Seyfo dans nos mémoires."

A la demande des organisateurs, les orateurs ont co-signé un communiqué de presse du Centre Seyfo appelant l'Union européenne à "faire politiquement pression sur la Turquie pour assurer une solide et potentielle candidature afin de soutenir son processus de démocratisation et d'offrir des droits égaux à tous ses membres et futurs citoyens."